5 bonnes raisons d'abandonner la notion de client interne


Relation client Client interne

Il est fréquent d'entendre dans les entreprises la notion de client interne qui désigne un demandeur, un donneur d'ordre appartenant à une organisation. Le client interne est le commanditaire d'un produit, le bénéficiaire d'un service rendu par un autre département de la même organisation. Par exemple, les Directions des Systèmes d'Information (DSI) d'une entreprise prétendent fréquemment avoir des clients internes lorsqu'ils travaillent pour le compte de leurs collègues d'autres départements, en cela, ils entretiennent une relation client/fournisseur entre services. 
Si cette façon de désigner un collègue ou un département de l'entreprise constitue un progrès pour la culture de service d'une organisation, elle est pour moi un véritable frein à l'orientation client d'une entreprise. Je vous propose 5 bonnes raisons de vous défaire de cette notion.
  1. La notion de client interne nuit à la satisfaction du client final. Vous allez dire que je ne mâche pas mes mots, mais j'ai en tête de nombreux exemples d'entreprises ou une direction composée de personnes dont aucune n'est en contact avec le client, et qui jamais ne considèrent l'effet de leurs actions sur la satisfaction du client final. Parce qu'au quotidien ils servent leurs collègues avec talent et engagement, ils rendent service, développent des outils, imaginent des services qui sont moins prioritaires que ceux qui aident à améliorer directement ou indirectement la satisfaction du client. Je ne remets pas en cause le sens du service des collaborateurs "en back office", je prétends simplement que le fait d'utiliser la notion de client interne fait prendre le risque de perdre le sens de la priorité numéro 1 de l'entreprise : la satisfaction du client final. Bonne pratique mise en oeuvre à ce sujet : chez BNP Paribas Fortis, la branche belge de la banque française, la DSI examine chaque demande et hiérarchise chaque projet de développement informatique sur un seul critère : la satisfaction du client final.
  2. La notion de client interne brouille la compréhension et l'organisation. La notion de client interne est née d'une légitime ambition de certaines organisations : faire prendre conscience aux collaborateurs qu'ils doivent améliorer leur prestation et s'engager auprès de leurs collègues. La notion de client interne est née d'une bonne idée : développer la culture de service au sein des entreprises. Cependant, on finit par ne plus savoir qui est le client, le vrai client. Les collaborateurs ont le sentiment de travailler pour des personnes différentes, ce qui nuit à l'appropriation et au sens des réalités. J'ai déjà entendu dans des réunions, des collaborateurs dire "je ne rends des comptes qu'à mon client interne" ou encore "je suis désolé mais ce n'est pas mon client". Dans certaines entreprises, aucun collaborateur n'est au contact du client final. Les produits ou les services sont rendus à d'autres sociétés, des revendeurs qui sont en contact avec le client final. Si vous ajoutez à cette dimension BTBTC (business to business to customer, des professionnels qui vendent à des professionnels qui vendent à des clients finaux), la notion de client interne, vous ajoutez encore une autre cloison entre le collaborateur et le client final et vous avez peu de chance de voir grandir l'orientation client de votre entreprise.
  3. La notion de client interne éloigne du seul et vrai client, le client final. Les entreprises souffrent d'un terrible cloisonnement en France. Selon le Baromètre de la Symétrie des Attentions de l'Académie du Service, une majorité des collaborateurs des entreprises françaises (56%) pensent "qu'il y a un véritable cloisonnement entre les services ou les métiers". C'est encore plus vrai dans la grande distribution par exemple, dont les niveaux de satisfaction client sont préoccupants. 65% des collaborateurs de ce secteur constatent un cloisonnement. Considérer qu'on travaille au quotidien pour un client "interne" ne fait voir qu'une partie de l'organisation de l'entreprise, isole les collaborateurs au service des autres et les éloigne du seul client, le client final. Ainsi, il n'est pas rare qu'on fixe aux collaborateurs des fonctions support des objectifs et des KPI uniquement centrés sur leur prestation et pas sur l'effet produit sur le client final. Prenons l'exemple de la grande distribution citée plus haut à propos de son fort cloisonnement. Si le service logistique pense servir son client interne qui est le magasin, il sera tenté de produire des indicateurs de performance et de satisfaction qui ne concernent que sa prestation. Il mesurera le temps de livraison entre un entrepôt et le magasin de son client interne et éventuellement la satisfaction du directeur de magasin. Le magasin quant à lui mesurera le taux de produits en rupture de stock dans les rayons, le panier moyen et le chiffre d'affaires. Mis tous ensemble autour d'une table, il faudra passer encore plus de temps à s'accorder sur un seul indicateur lié au client final, sachant qu'une grande partie des collaborateurs et managers de la grande distribution en France sont incapables de vous dire quel est le niveau de satisfaction des clients (44% des collaborateurs de la grande distribution déclarent ne pas avoir d'indicateurs client connus et partagés régulièrement selon le Baromètre de la Symétrie des attentions).
  4. La notion de client interne masque la contribution de chacun à la satisfaction du client final. Un collaborateur qui considère qu'il n'a que des clients internes finit par oublier le client final du fait que sa contribution va s'arrêter à fabriquer un produit ou rendre un service à un collègue. Il perdra de vue sa contribution personnelle à la mission de l'entreprise, son impact sur la satisfaction du client final. Aucune chance dans ce cas de figure qu'il se réjouisse des succès de l'entreprise sur son marché, qu'il soit motivé par la réussite du lancement d'un produit ou bien par la satisfaction du client final. Il n'aura jamais l'impression d'avoir apporté sa pierre à l'édifice. Chez Nespresso, on parle de la "Quête du geste parfait", une ambition affichée de considérer que chaque geste compte, du fermier sud-américain à l'informaticien, en passant par le nez qui va choisir les grands crus de café, jusqu'au spécialiste café qui va vous répondre au téléphone ou vous servir en boutique. Le guide destiné aux collaborateurs auquel j'ai eu la chance de contribuer à l'Académie du Service, commence par ces mots : "Chacun est l'aboutissement du geste de l'autre". Chaque personne contribue à la réalisation de l'expérience client et il n'y a qu'un seul client, en l'occurrence, le membre du club.
  5. La notion de client interne nuit à la coopération. Vineet Nayar, dans son livre "Les employés d'abord, les clients ensuite" est certainement l'homme qui a fait la plus belle et la plus complète démonstration du nécessaire changement de point de vue sur la coopération interne. Il défend dans son ouvrage l'idée de zones de valeurs autour du client final, avec des personnes en première ligne, soutenues par des partenaires, des collègues qui les aident à accomplir leur mission de relation avec le client. Chaque collaborateur soutient un collègue dans un seul but, la satisfaction du client final. Il n'y a pas de prestataire ou de fournisseur interne, ni de client interne, il n'y a que des partenaires au service du client final. Les engagements de service conçus pour les clients internes deviennent des engagements de coopération avec un seul client commun, une seule ambition affichée. Ainsi, on ne distingue au sein d'une entreprise que deux types de collaborateurs, ceux qui servent les clients et ceux qui servent ceux qui servent les clients.  
L'orientation client d'une entreprise se mesure facilement à la capacité qu'ont les collaborateurs a parler le même langage, partager les mêmes objectifs. La notion de client interne est un frein à l'orientation client. Il n'y a pas de clients internes, il n'y a que des partenaires au service d'un seul client, le client final.

915ème billet  signé Thierry Spencer, créateur du blog Sens du client, Customer Experience Storyteller à l'Académie du Service, et auteur du livre Avez-vous le Sens du client ? qui est sorti il y a quelques mois aux Editions KAWA.

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